Pour obtenir un changement de direction, tourner et parcourir des lignes courbes, le cavalier dispose de plusieurs solutions selon l'état de flexibilité acquis au cours du dressage :

 

Une première solution consiste à déplacer la main en ouverture (elle s'écarte de côté en supination, c'est-à-dire les ongles orientés vers le dessus) du côté où l'on veut que se déplace le cheval, en attirant la tête du cheval et les épaules qui elles-mêmes vont être suivies des hanches.

Mais, il arrive souvent que l'orientation des hanches par rapport aux épaules ne change pas et que malgré le déplacement de la tête et de l'encolure du côté où l'on désire se diriger, le corps du cheval continu à se déplacer sur la ligne droite initiale (il y a comme une rupture dans la liaison entre l'encolure et le tronc). On peut alors modifier la position des hanches par rapport aux épaules en les déplaçant dans le sens opposé. Pour cela, la jambe du dedans vient au secours de la main qui effectue son effet d'ouverture ; c'est ce que l'on appelle un effet latéral.

Le général L'Hotte l'indique dans le chapitre IV de ses Questions équestres (1906) : "Pour éviter ce manque d'accord entre les deux bouts du cheval, il faut tout d'bord, et par une légère déviation des hanches, disposer le foyer d'où part l'impulsion dans le sens répondant à la nouvelle direction à prendre ; l'attitude donnée à la tête et à l'encolure faisant aussitôt écho à la déviation des hanches."

"... la disposition des hanches détermine le changement de  direction ; tandis que l'attitude donnée à la tête et à l'encolure ne peut que le solliciter."

Rul, dans Le bauchérisme réduit à sa plus simple expression, Dumaine, 1857, établit sa progression de dressage sur cette disposition des hanches avant de déplacer les épaules ou des épaules avant de déplacer les hanches.  

La disposition des hanches est donc aussi une deuxième solution plus efficace que la première et même parfaitement efficace.

la troisième solution se trouve dans Equitation académique, Editions Henri Neveu, 1949, où le général  Decarpentry préconise l’incurvation régulière du cheval afin de l’ajuster à la courbe parcourue et d’obtenir les posers des bipèdes latéraux sur deux courbes concentriques. Cette solution préconise de cintrer le cheval pour annuler les effets de la force centrifuge que ce dernier tente de combattre par inclinaison de la masse en dedans de la courbe. Des études scientifiques montrent que  l’incurvation régulière n’existe pas.

 

La quatrième solution consiste à tourner en conservant le cheval droit de hanches et d'épaules et à agir par une rêne d’appui (avec ou sans placer de la tête au dehors) aidée au besoin par la jambe du même côté. Ce léger décalage des hanches en dedans est préconisé par Dupaty de Clam et plus récemment par Dominique Ollivier dans L'épaule en dedans révélées, Ed'hippos, 2010  :

 

 

L’observation de Katiki tournant autour de moi en liberté  m’a permis de mettre à jour sa stratégie.

Lorsqu’il se déplace sur un cercle de faible diamètre, dans la majorité des cas, le côté du dehors apparaît convexe d’une façon régulière alors que les pieds du latéral du dehors, eux, sont alignés dans leurs posers. Le postérieur du latéral du dedans se comporte différemment, il se déplace de biais sous le ventre et vient se poser presque en avant du postérieur du dehors. Ceci est rendu possible par la déviation en dedans du bassin entraînant l'avancée de la pointe de la hanche du même côté.

 

 

Voici les aides du cavalier pour faire entrer le cheval monté dans la même stratégie de tourner. c'est la cinquième solution :

Le pli donné par la main du dedans (effet de rêne du placer[1] qui déplace légèrement le garrot au-dessus de l’antérieur du dehors) employée seule ou  accompagnée de la pression souple du mollet du même côté, amène la pointe de la hanche du dedans vers l'avant et provoque le poser du postérieur presque en avant de celui du postérieur du dehors.

[C’est ce qui donne au cavalier assis sur son cheval l'impression d'incurvation régulière, sensation qu'il est important de percevoir même si ce n’est pas une réalité scientifique. En effet, du côté du dedans le corps du cheval reste droit, bien qu’il existe une possibilité de légère flexion latérale des vertèbres th9 à th12 qui se situent sous la selle au niveau de l'assiette du cavalier. Cette flexion est plutôt négligeable par rapport à l’ensemble de la colonne vertébrale. (Lire à ce sujet dans L’épaule en dedans révélées de Dominique Ollivier, éditions Edhippos, 2010, l’étude biomécanique qui lui est consacrée)]

Le poser du postérieur du dedans devant le postérieur du dehors sert de pivot à toute la masse qui pousse les épaules vers le dedans. Cela est aussi efficace que la disposition des hanches en dehors indiquée par le général L’Hotte, mais sans l’inconvénient de mettre le cheval sur les épaules et de l’obliger à prolonger les appuis des antérieurs au sol. Il n’en reste pas moins que cette disposition des hanches peut rendre de grands services en début de dressage.

Après que la rêne du placer ait incliné le garrot vers le dehors et opéré la disposition du bassin en dedans, vient l’action de la rêne du dehors en appui sur l’encolure pour indiquer le déplacement des épaules en dedans. Elle est d’autant plus efficace que son action est immédiatement suivie d’une remise de main qui redonne toute liberté de mouvement à l’antérieur du dehors qui a un mouvement d’abduction à opérer sur la courbe. La rêne du placer devient passive pendant que la rêne en appui renouvelle son action à chaque foulée sans pour autant réduire ou détruire le placer en dedans.

A l’approche du mur les chevaux cherchent souvent à couper la fin de la volte. Cet appui sur l’encolure (qui tient les hanches derrière les épaules ou les empêche de déraper en dehors) combiné avec la rêne du placer (qui dispose le bassin en dedans) permet aussi un contrôle continu du garrot au-dessus de l’antérieur du dehors. La jambe du dedans peut aussi aider à maintenir toute la masse sur la trajectoire prévue et empêcher le rétrécissement de la courbe.

 

C'est avec le même système d’aides que l'on obtient d'excellents déplacements latéraux et les pirouettes. On n'a plus besoin d'autres aides du dehors pour maintenir les hanches derrière les épaules ou les empêcher de déraper vers le dehors.

Bien plus, l’effet de la rêne du placer qui incline le garrot vers le dehors et dispose la pointe de la hanche vers l’avant prépare bien les départs au galop demandés par le jambe du dedans, après, bien sûr, que le cheval ait été habitué à prendre les départs par aides latérales du dehors et sache incliner le garrot au-dessus de l'antérieur du dedans. Le rééquilibrage du galop se fait facilement en inclinant le garrot au-dessus de cet antérieur du dedans. Sur la vidéo suivante, le cheval exécute une volte suivie d'une épaule en dedans transformée en croupe au mur qui lui est indissociable selon La Guérinière (cette transition permet de modifier l'inclinaison du garrot !)

 

[1] René Bacharach, Réponses équestres, Editions Favre, 1986, p. 42 :  « Rêne du placer – Pour agir la main se mettra toujours en supination (la main doucement fermée, les ongles en dessus). Par la rêne du placer (rêne du dedans), contre la base de l’encolure, la main sent la bouche du cheval. Elle met un peu de poids sur l’épaule du dehors, libérant d’autant l’épaule du dedans qui va entamer le tourner. »